Politique et réseaux sociaux au Bénin: Des aventuriers en terres inconnues

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Depuis quelque semaines, j'ai remarqué le vilain manège.Mais flemme oblige, je n'ai pas pris la peine d'écrire sur  le sujet. Hier par hasard, je suis tombé sur un article de Kwame SENOU qui résume plus ou moins ma pensée. J'ajouterai juste que celui qui parmi les politiques arrivera à mettre en place une campagne social média digne du nom aura sur ses concurrents un avantage fulgurant. 
Les déterminants de cet avantage concurrentiel seront : 
- La capacité à construire une bonne e-réputation, et ainsi bénéficier d'une image crédible aussi bien localement que dans la diaspora ou à l'international.
- La capacité à mobiliser les internautes autour d'une "promesse forte" (mais pas utopique) et à faire d'eux des vecteurs du message électoral.
- La capacité à mobiliser et à exploiter à son avantage le pouvoir de prescription énorme des e-influenceurs, de  la diaspora et de la communauté internationale. 

Cependant, tel que c'est parti pour le moment, nos politiques ne risquent pas de tirer grand chose des réseaux sociaux A part probablement ouvrir une fenêtre supplémentaire sur leurs nombreuses lacunes. Une campagne social média est travail sérieux qui nécessite de la préparation et de la rigueur dans l'exécution. Tout en espérant que les choses vont vite s'améliorer de ce côté, je vous laisse apprécier ci-dessous l'analyse de Kwame SENOU, 
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La vague électorale qui se dessine au Bénin, chahutée par de multiples reports et d’évidentes incertitudes, est le terreau fertile pour une effervescence politique sur les réseaux sociaux, transformant adolescents et retraités en activistes politiques du clavier. Désormais la chose politique occupe une large place sur Facebook et Twitter, Ainsi en va t-il de ces acteurs, qui peinent à s’approprier ces outils et à en faire une utilisation sinon efficace, tout du moins rationnelle.
Les réseaux sociaux nés il y a une dizaine d’années aux Etats Unis ont gagné le monde entier. Si Facebook était un pays, c’est connu, ce serait le 3ème en terme de peuplement derrière la Chine et l’Inde. On estime à environ 360 000 le nombre de personnes résidentes au Bénin et connectées au réseau social le plus populaire.  Conscients ou inconscients  de ces statistiques, nos acteurs politiques ont décidé d’utiliser Facebook comme vecteur de leur communication. Les meetings, les photos d’activités ou encore les messages de soutien comme ceux en faveur du Professeur Dorothée Gazard, sont abondamment relayés et désormais la course au recrutement (ces fameux ‘’j’aime’’) est lancée.
En analysant, les profils/pages provenant de tous les horizons possibles, il est aisé pour le professionnel de détecter la quasi-escroquerie dont sont victimes celles et ceux qui paient pour ce type de présence rendue encore plus virtuelle que la virtualité de la plateforme. Lors d’un échange informel avec une spécialiste béninoise de la communication, 5 adjectifs ont été utilisés par cette dernière pour caractériser la présence des politiciens béninois sur Facebook et par (faible) extension sur Twitter ; dépassé, désynchronisé, inintéressant, brut, et soustrait de tout professionnalisme. De quoi s’agit-il ?
Le principe de base des réseaux sociaux, est la conversation ou la ‘’socialisation’’. Ce concept fait référence à la capacité à intéresser son audience et à entretenir une conversation avec elle sous forme de commentaires, ‘’j’aime’’ ou de partages. Ce principe est sous-tendu par des connaissances approfondies détenues par des professionnels locaux car en vérité, si la plateforme publicitaire de Facebook est ouverte au public, son usage est néanmoins réservé à des experts avertis.

Faisons le tour d’horizon des différents adjectifs pour analyser la présence des uns et des autres :

-          Dépassé ;  les connaissances ont évolué, les technologies aussi. Le « maire » Léhady Soglo dispose d’un profil de près de 5000 amis et d’une page, est-ce actuel ? Non, parce qu’il est possible de fusionner les deux et de lui permettre ainsi de passer la barre des 5000 amis, ce qui correspondrait mieux au rang que souhaitent lui donner ses militants et aux ambitions d’un édile de l’une des plus grandes métropoles ouest-africaines
-      Désynchronisé ; Facebook nous l’avons dit est une forme de république avec ses heures ouvrables, ses temps de loisirs et ses rendez-vous à grande audience. Le lundi matin par exemple, les uns et les autres s’attachent à gérer les activités et à se nourrir d’ondes positives plutôt que de prendre des nouvelles de vos activités du week-end dans les contrées reculées de l’arrière-pays. Changement de décor vaut changement de public.
-         Inintéressant ; Daniel Edah, Général Gbian Robert ou encore le dernier ‘exégète’ Eric Houndété, recrutent à tour de bras à coup de campagnes sponsorisées. Mais la question qu’ils devraient se poser est de savoir s’ils sont prêts à leur parler ? Si tel était le cas, un post par mois pour montrer une photo de soi constitue un bien mauvais point de départ pour construire une conversation avec des internautes ou pour construire une relation au long cours avec des électeurs d’un genre nouveau dont l’opinion se fait et se défait par les médias disponibles sur l’internet mobile.
-          Brut ; Facebook est une vitrine qu’il faut soigner avec des images modernes, à la bonne taille, dans le bon environnement et suivant des couleurs appropriées. Il n’est pas ici question d’affiches destinées à électriser les passants dans les hameaux. Alors, les photos hors contexte, découpant le front à la lame du rognage ne sont pas conseillées. L’image, toujours l’image et ici vraiment l’image.
-          Absence de professionnalisme ; Pascal Irénée Koupaki est le grand invisible sur toutes les plateformes, est-ce un choix stratégique, en vient-on à se demander. La grande question est celle des connaissances techniques dont disposent les équipes en charge de ces campagnes de cyber-communication en passe d’être un frein à la web-réputation de leurs mandants et à leur crédibilité tout court en termes de communication.

Sur Twitter, la vacuité totale de l’utilisation des comptes en dehors d’ABT, ne mérite pas une longue dissertation. On en revient au premier adjectif, dépassé.Les réseaux sociaux prennent de plus en plus de place dans la communication des politiques, et les collectes de fonds qui ont poussé le premier homme noir à la Maison Blanche sont le signe de la puissance de ces outils lorsqu’ils sont maîtrisés. Comme tout outil de communication, ils appellent à un respect rigoureux des étapes de base : analyse, stratégie, planning, implémentation et suivi. Les politiciens béninois, curieux de mieux s’en servir, doivent se poser les questions fondamentales définies par celui-là qui se disait être «  le professeur des élèves », le Général Mathieu Kérékou : qui sommes-nous ? D’où venons-nous ? Où allons-nous ?

Une démarche sur les réseaux sociaux commence par une définition claire des objectifs, qui débouche sur le choix des plateformes pertinentes, suivie par la création des outils personnalisés :une page avec le nom, le bon lien de raccourci du type facebook.com/prenom.nom, le respect des dimensions imposées par les différentes plateformes pour les photos, un rythme de publication. Ce minimum de base est complété par des tactiques appuyées sur les messages et le ciblage des campagnes et actions de communication.

Les réseaux sociaux, et Facebook en particulier, sont un espace orienté vers une utilisation ergonomique qui met à la portée de tous les outils publicitaires mais il n’en demeure pas moins nécessaire pour un candidat, de faire appel à des expertises éprouvées. L’analyse de la présence sur Facebook des politiciens béninois rejoint trop aisément le flot des critiques usuelles quant à leur présence tout court dans l’arène publique : manque de vision, absence de stratégie, économie de professionnalisme, tendance au racolage, suivisme institutionnalisé et pire, pauvreté dans les débats. A quoi bon s’emparer d’un outil neuf pour faire du vieux ?
Par Kwame SENOU, Consultant en médias & réseaux sociaux
Pour retrouver l'article de Kwame SENOU tel que publié initialement, c'est par ici.


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